Le 9 février 1840, sous le mandat du maire André Lemolt, le conseil municipal
décide de construire une nouvelle église sur l’emplacement de l’ancienne. A
cette époque, la commune tire la plus grande partie de ses richesses de
l’exploitation de ses 485 hectares de forêts. Les recettes des coupes
extraordinaires de bois, la vente de certains bâtiments communaux, les excédents
des années écoulées permettront la constitution d’un fonds garantissant la
viabilité du projet.
Le 25 avril 1841, les plans dressés par M. Caillot, architecte de Colmar, sont
soumis au conseil municipal qui les agrée : le 19 mai suivant, M. Neubrand,
entrepreneur, emporte l’adjudication des travaux et est chargé de la
construction du nouvel édifice. Accord de l’évêque de Strasbourg, Mgr André
Raess, qui remarque cependant, que le projet « paraît bien riche et fort beau,
quoique un peu dispendieux »...
En 1841, le Ministère de l’Intérieur, par l’intermédiaire du Préfet, donne son
accord pour la construction d’une église qui « consiste en une seule nef
éclairée latéralement, un chœur à la suite, avec deux sacristies attenantes, une
tribune vers l’entrée et une tour dont le dessous sert de vestibule ». Ses
dimensions, son architecture intérieure aux volumes spacieux, seront dignes de
l’église du chef-lieu de canton.<>
Les derniers éléments du cimetière ayant été déplacés dès 1822, l’ancienne
église est démolie. Mais la nouvelle construction ne trouvera pas sa place sur
l’ancien emplacement...
En revoyant les plans, le Conseil Municipal désire « une tour plus élevée que ne
l’était l’ancienne, surmontée d’une galerie pourtournante (sic) et d’un
campanile terminé par une flèche ». Ce souhait, entraînant une modification
importante des proportions et de la statique, aura des conséquences
redoutables : l’emplacement de l’ancienne église ne pourra pas contenir le
nouveau bâtiment, à moins de démolir des maisons en bordure de terrain ce qui
entraîne une levée de boucliers de la part des citoyens concernés.
Devant le refus obstiné des riverains menacés d’expropriation, la commune se
trouve dans l’obligation de trouver,
dans l’urgence, une solution de rechange. S’y ajoutent d’autres problèmes :
l’accès de la nouvelle église est par trop étriqué, l’environnement délabré et
malodorant s’avère indigne d’un lieu de culte, sans compter le risque élevé
d’incendie...
Après réflexion, la municipalité se tourne vers le propriétaire du terrain situé
à côté de la mairie actuelle : vaste, non bâti, et donnant sur la rue
principale, il présente toutes les qualités recherchées.
Isaac Hirtz, propriétaire du terrain convoité, est prêt à vendre au prix de
25.000 francs, et, le 22 juillet 1842, le maire Jean-Baptiste Baffrey l’acquiert
sous seing privé, au nom de la commune.
Les dépenses estimées à 120.500 francs liées au coût de la construction et à
l’achat du terrain seront compensées par les recettes résultant de coupes de
bois extraordinaires, de l’excédent des budgets précédents, de la vente du
terrain de l’ancienne église et de l’ancienne maison d’école située à proximité,
et du remploi des matériaux, soit 125.741 francs.
Le 31 mai 1843, enfin, une ordonnance royale donne l’accord de construction sur
l’emplacement prévu.
L’église est construite selon un plan basilical classique. Ses dimensions
intérieures sont remarquables : longueur totale 53 m, largeur de la nef 19 m
environ, et hauteur : 14 m. Elle est construite en grès provenant du massif du
Hohnack, de matériaux provenant de carrières de proximité et du remploi des
matériaux de l’ancienne église.
D’inspiration néo-classique, elle est monumentale mais élégante,
avec une profusion de stucs et de moulures. Des pilastres à base dorique, fûts
lisses pour la nef, cannelés pour le chœur, aux chapiteaux corinthiens,
encadrent les vitraux enchâssés dans des baies en plein cintre de 2,50 m de
large sur 4,50 m de haut.
Au cours d’une délibération du 11 août 1844, le Conseil hésite quant à la
décoration du clocher : « une croix ou une pomme en cuivre rouge supportant une
étoile et une demi-lune ? » Le préfet du Haut-Rhin répond qu’il s’agit de la
construction d’une église et que la croix s’impose !
Le 10 août 1843, jour de la Saint Laurent, la pose de la première pierre est
célébrée en grande pompe. Cette pierre « angulaire », marquée par une croix
lobée, est intégrée dans le montant du portail principal du côté droit en
entrant. Elle renferme une lettre rédigée en latin rappelant le passé de
l’église paroissiale, les noms de ses saints patrons St Laurent et St Joseph,
ainsi que les noms des personnalités présentes et témoins de la solennité du
jour. Des pièces de 5, 2 et 1 francs frappées en 1843 y sont jointes. Pour fêter
l’événement, la commune offre un banquet aux personnalités et des
rafraîchissements aux ouvriers.
« En l’an 1843, le jour de la fête de Saint Laurent, diacre et martyr, patron
depuis l’origine de cette église paroissiale, le 10 août, avec la bénédiction de
Grégoire XVI, notre souverain pontife, Louis Philippe premier, roi des
Français, son Excellence André Raess, notre évêque du diocèse de Strasbourg,
Monsieur D. Bret Préfet du Haut Rhin, Jean Baptiste Baffrey, maire de ce lieu,
le curé de cette paroisse Joseph Antoine Plagnat, en vertu des droits qui lui
ont été conférés et Jean Baptiste Barxell, curé cantonal d’Eguisheim,
ont procédé à la bénédiction de la pierre angulaire selon le rite
prescrit par le Rituel de Strasbourg. Cette pierre a été placée au niveau de la
porte principale, côté de l’épître sur la façade sud et marquée à
l’extérieur par une «croix lobée ».
Érigée dans un endroit très spacieux, la nouvelle église, dont les plans ont été
établis par M. Auguste Caillot architecte renommé qui a fait preuve de tout son
art, a été élevée en ce lieu par Jean Neubrand, entrepreneur de Kogenheim.
[...] La construction se substitue à l’ancienne église, qui, de par son exigüité,
ne pouvait plus accueillir le nombre sans cesse croissant de fidèles dont le
nombre atteint aujourd’hui 2604 âmes. (ADHR 227J9)
Lors de la démolition de l’ancienne église dédiée à Saint Laurent, le Saint
Sacrement est déposé temporairement dans la Chapelle Notre Dame.
Le premier dimanche de l’Avent 1844, à huit heures du matin, le premier vicaire
Théophile Maudrux bénit le chœur de la nouvelle église et y dépose le Saint
Sacrement rapporté en grande solennité lors d’une procession. C’est très
certainement avec beaucoup d’émotion que les paroissiens assistent à la
célébration de la première messe dominicale dans leur nouvelle église !
Cependant, ce n’est que le 18 octobre 1959, que l’église est officiellement consacrée par Monseigneur Elchinger. L’extérieur de l’église est aspergé d’eau bénite lors d’une procession. L’évêque frappe de sa croix la porte de l’église à trois reprises. Lorsqu’elle s’ouvre, le cortège entre dans la nef. Puis l’évêque bénit et oint les douze croix gravées sur les pilastres. La cérémonie se poursuit par une grand-messe pontificale au cours de laquelle de nouvelles reliques sont déposées sous la pierre d’autel : celles de St Spéciosus et de St Amand. Ce dernier fut le premier évêque de Strasbourg. A noter, que c’est le seul saint masculin invoqué par les femmes stériles !
Source : Marie-Claude Isner, Journées du Patrimoine 2016
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