On connaissait l’ouvrage de Laurence Winter, Ciel ! Mon mari est muté en Alsace !, petit manuel de comportement à l’usage des nouveaux arrivants pour leur éviter impairs et déconvenues. Voici maintenant Ciel, mon curé est togolais !, destiné à tous mais plus particulièrement aux paroissiens catholiques alsaciens dont les communautés de paroisses sont confiées à des Africains. Albert Nouati, curé de la communauté de paroisse des Sarments du Hohlandsbourg, raconte.
Albert Nouati, curé de la Communauté de paroisse des Sarments du Hohlandsbourg (photo Philippe Hennecart)
Vous venez de rédiger un ouvrage autobiographique après plus de vingt ans dans notre diocèse. Pourquoi avez-vous choisi ce titre ?
Les confinements successifs lors de la période Covid ont été propices à la réflexion sur l’essentiel et la remise en question. Je me suis donc arrêté pour mieux comprendre ce que je suis aujourd’hui. Écrire m’a aidé à me remémorer, avec le recul de mes presque 60 ans, le parcours incroyable qui m’a mené de mon village natal - Tové, au Togo - jusqu’en Alsace, région si fière et encore souvent mystérieuse devenue pour moi terre de mission.
Mon âme et mon corps africain y sont indéfectiblement attachés. Ciel ! Mon curé est Togolais ! est le titre que j’ai choisi parce qu’il fait écho à un reportage de Roland Muller (2016) diffusé sur France 3 : Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu pour mériter un curé noir ? Un Africain dans une église d’Alsace, ça en a déstabilisé plus d’un. Certains n’ont alors pas manqué d’adresser des courriers agressifs à l’archevêque avec la question qui est devenu le titre du reportage.
C’est vrai que votre accueil, comme celui de vos confrères
africains dans les paroisses où vous êtes envoyés, suscite souvent des
oppositions, des hésitations ou des attitudes qui frisent le racisme. Faut-il en
rire ou en pleurer ? Vous avez choisi l’humour…
De prime abord, je ne l’aurais pas choisi ! Je n’étais pas
désiré. J’avais presque envie de pleurer. Si je n’avais pas eu des regards
rassurants qui m’ont permis de traverser cet instant. Mais très vite j’ai choisi
l’humour.
D’abord parce que j’ai fait mienne la réplique de Figaro à
son maître dans le Barbier de Séville de Beaumarchais : « Je me presse de rire
de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer ! ». Mais aussi et surtout parce que
l’humour a une portée pédagogique puissante comme le suggère l’adage latin :
castigat ridendo mores (on corrige les mœurs en riant) ! C’est rigolo parce
qu’au début il y a toujours des hésitations qui sont normales. Ça met du piment
! En bon Africain que je suis, ça assaisonne la sauce sinon ce serait trop fade
!
Et puis vous savez, je suis habitué à cela depuis mon
enfance. Mon teint de peau un peu plus clair que celui de mes frères et sœurs
m’a valu souvent d’être affublé de sobriquets togolais signifiants rouquins,
frère blanc ou encore albinos. Les « Tadjin » (rouquins) peuvent même être
persécutés dans ma culture. J’ai appris très tôt à m’en défendre et à en rire.
Le plus paradoxal et le plus amusant dans vos affectations
successives, c'est que les mêmes qui ont écrit à l'archevêque pour s'opposer à
votre arrivée sont souvent aussi ceux qui lui demandent quelques années plus
tard que vous puissiez rester tant ils ont été conquis par votre apport joyeux
et coloré. Quel est votre secret pour inverser la situation ?
Le racisme est une maladie heureusement guérissable et le
médicament c'est l'amour ! C'est ce dernier qui guérit de toutes les peurs. Les
opposés les plus agressifs sont souvent les plus passionnés et les plus attachés
à leur paroisse. Il faut le voir comme un manque d'ouverture, c'est en quelque
sorte l'ignorance qui prouve la peur de l'inconnu, on ignore ce que l'autre peut
nous apporter de beau. Et lorsque l'on parvient à les ouvrir, on vit de belles
choses.
Mon secret, je le tiens de ma grand-mère : c'est toujours à l'étranger de faire le premier pas sans attendre celui de l'autochtone ! Car l'allochtone suscite la curiosité et il peut faire peur. Il faut s'intégrer ce qui n'empêche pas d'importer des bribes de nos origines dans quelques strates des us et coutumes du pays d'accueil mais il faut le faire avec parcimonie, par petites touches, et surtout pas en tentant de transposer intégralement ce qui fonctionne en Afrique dans nos paroisses d'Alsace. La chorale gospel «< Dzidzole >» qui me suit dans mes affectations en est un bon exemple.
À propos de curiosité, beaucoup de paroissiens aiment
savoir comment vous êtes arrivés en Alsace.
Après plusieurs années au Grand Séminaire de Lomé, j'ai décidé de faire une pause dans ma formation. J'ai exprimé le souhait de faire des études en Europe. Le Togo étant, un temps, une ancienne colonie allemande, la présence dans la capitale d'un institut « Goethe » m'a permis de parfaire mon allemand. Je me destinais à des études à l'université de Münster dans l'ancienne capitale de Westphalie en Allemagne. Mais ma tante Jeannette vivant à Paris et un de mes oncles travaillant en Alsace, elle s'est dit que quitte à aller en Europe, il valait mieux que j'ai un point de chute familial en France. C'est ainsi qu'elle m'a inscrit à l'université de Strasbourg.
Source ; Philippe Hennecart, L’ALSACE du dimanche 27 août 2023
Albert Nouati, né en 1964 au Togo, est un des mieux placés
pour parler de ces prêtres étrangers qui ont quitté leur terre natale pour
exercer leur ministère dans le diocèse de Strasbourg toujours de plus en plus
déficient en vocations autochtones.
Certes, il y a eu des Africains avant lui, déjà ordonnés
prêtres dans leurs diocèses d’origine, venus en Alsace comme prêtre étudiant
pour une durée déterminée et officiant comme vicaire du dimanche dans les
paroisses. Certains ayant fini leurs études ont souhaité demeurer en France.
Mais Albert est le premier, ouvrant la voie à d’autres, a être incardiné dans le
diocèse de Strasbourg.
Né dans une famille très nombreuse, catholique et polygame,
il est baptisé par un prêtre missionnaire alsacien au Togo. Très jeune, il
exprime le souhait de s’engager dans les ordres. Il entre au Petit Séminaire,
puis au Grand Séminaire de Lomé. Après une période de discernement, il décide
d’achever sa formation à l’université et au séminaire de Strasbourg où il est
ordonné prêtre en 2001.
Son récit autobiographique de 115 pages est préfacé par Mgr
Joseph Musser, vicaire général émérite, un de ses fidèles soutiens. C’est lui
qui l’a accueilli au Grand Séminaire en 1999, lorsqu’il était supérieur de cette
institution. Comme tous les pionniers, Albert a connu une route parsemée
d’embûches, d’humiliations et de réticences administratives jusque dans la curie
diocésaine.
On le sait, une des fonctions les plus puissantes de
l’écriture est avant tout cathartique mais Albert fait découvrir, dans son
récit, comment l’humour aussi est un médicament.
Ce dimanche, Albert Nouati célèbre ses quinze années de prêtrise. Celui qui vit le jour au Togo il y a 52 ans est actuellement à la tête de la communauté de paroisses « Les boucles de la Souffel » qui regroupe les clochers de Reichstett et Souffelweyersheim. Il rejoindra Wintzenheim en septembre.
Albert Nouati a étudié la philosophie et la théologie pendant six ans au grand séminaire de
Lomé. Celui qui fut baptisé par un missionnaire alsacien, Paul Schmitt, de
Bischoffsheim, a poursuivi en maîtrise de théologie à Strasbourg grâce à un
oncle maternel médecin installé en Alsace. Il a complété sa formation par une
maîtrise en ethnologie.
Sa première expérience sacerdotale, il va la vivre dans la paroisse Saint-Luc,
à Mulhouse, pour une année d'intégration pastorale. Ordonné prêtre en 2001 à
Strasbourg, il a occupé son premier poste de vicaire à Benfeld.
Après six années passées à Westhoffen (de 2005 à 2011), où il a créé la
communauté de paroisses du Steinacker (Westhoffen, Wangen, Traenheim, Balbronn,
Flexbourg, Dangolsheim), il a donc posé ses valises à Souffelweyersheim.
En même temps que son jubilé, Albert Nouati
tourne également une nouvelle page de sa vie de prêtre puisqu'il va remplacer,
en septembre, Hubert Spitz, comme prêtre de la communauté de paroisses
« Les Sarments du Hohlandsbourg » qui regroupe les communes de Wintzenheim, Logelbach,
Wettolsheim, Turckheim et Ingersheim. De son côté, Hubert Spitz est nommé à Thann.
Les deux prêtes vont, le même jour - le 11 septembre- célébrer leur messe d'adieu. Albert
Nouati prendra officiellement ses nouvelles fonctions le 25 septembre.
Les deux ecclésiastiques ont en commun leur amour pour la musique. Le «
prêtre à la guitare », auteur-compositeur et interprète, laisse en effet sa
place à un passionné de gospel qui a déjà monté plusieurs chorales.
Le presbytère deviendra périscolaire
L'annonce du départ de Hubert Spitz par l'archevêché n'a pas été acceptée par
tous les paroissiens. Certains l'ont même fait savoir de façon claire lors d'une
manifestation devant l'église début mai. Depuis, le climat s'est apaisé.
Albert Nouati ne devrait pas s'installer dans l'actuel presbytère de Wintzenheim,
propriété de la commune. La municipalité compte en effet profiter de ce changement
pour récupérer le bâtiment qui jouxte l'école de La Dame Blanche. L'idée est, à
terme, d'y transférer le périscolaire situé rue de la Vallée. Quant au futur
curé, il pourrait s'installer à Ingersheim ou Wettolsheim.
Source : N.R., DNA du samedi 25 juin 2016
Albert Nouati, le nouveau curé de la communauté de paroisses des Sarments du Hohlandsbourg (photo Jean-Louis Meyer)
Le nouveau curé de la communauté de paroisses des Sarments du Hohlandsbourg a été accueilli par les fidèles, dimanche, à l’église Saint-Laurent de Wintzenheim. La célébration a été marquée par des chants et danses gospels.
La messe d'accueil du nouveau curé Albert Nouati a
rassemblé de nombreux paroissiens de la communauté des sarments du Hohlandsbourg
mais aussi ceux des Boucles de la Souffel, l'ancien poste du prêtre. Dans une
église Saint-Laurent, à Wintzenheim, comble, cette venue a été marquée par une
célébration rythmée et haute en couleur, avec des chants et danses de la chorale
Gospel du Bas-Rhin et l'animation liturgique du chœur interparoissial. Une belle
célébration, avec une dizaine d'officiants, un nouveau prêtre tout sourire
maniant l'humour et le franc-parler ; il y avait de quoi étonner puis ravir ses
nouveaux paroissiens.
Une impression renforcée par les propos élogieux d'une
responsable paroissiale de Souffelweyersheim : « Albert est un homme formidable,
amoureux des gens, c'est un sourire et un rire qui génèrent d'autres sourires...
c'est un rassembleur, nous aurions aimé le garder mais il doit continuer à
divulguer sa générosité, d'autres doivent avoir la chance de le découvrir ! »
Après sa nomination officielle, le prêtre Albert Nouati a
pris la parole en lançant un « Bonjour bisamma » fort alsacien. Le ton était
donné, les bons mots du prêtre ont déclenché sourires et rires dans l'assistance
résolument conquise. Ainsi, maniant un brin d'auto dérision, Albert Nouati a
déclaré : « Vous devez vous demander ce que ce petit Negerla (petit Africain) va
pouvoir apporter. »
Dans la foulée, et bien plus sérieux, il a rendu hommage
à son prédécesseur, Hubert Spitz, « qui a fait un excellent travail dans la
communauté ». Puis, il a exhorté ses paroissiens à être « tels que personne ne
puisse affirmer que Dieu n'existe pas ! »
D'autres temps forts ont ponctué cette cérémonie tels un
fervent Ave Maria ou ce panier de fruits apporté à l'offertoire, en musique et
sur la tête d'une danseuse, dans la pure tradition africaine. Une chorale
d'enfants a également fait un cadeau à Albert Nouati en interprétant un chant...
africain, accompagné par les battements des mains des paroissiens.
Ont suivi les discours d'accueil des responsables
d'équipe paroissiale, du conseil de fabrique et du maire, Serge Nicole, au nom
des municipalités de la communauté de paroisses. Le maire de Wintzenheim a
déclaré aux anciens paroissiens : « Soyez rassurés, Albert Nouati est entre de
bonnes mains ! », a déclaré le maire de Wintzenheim aux anciens paroissiens
avant d'inviter l'assistance au pot de l'amitié dans la cour de l'école.
Source : Jean-Louis Meyer, L’ALSACE du mardi 27 septembre 2016
Albert Nouati : humour et franc-parler pour le nouveau curé (photo Jean-Luc Syren)
A Wintzenheim, la messe d'accueil du nouveau curé Albert Nouati a rassemblé en nombre, non seulement les paroissiens de la communauté des Sarments du Hohlandsbourg mais aussi ceux des Boucles de la Souffel, ancien poste du prêtre.
Dans une église Saint-Laurent comble, cette venue a été marquée par un long office, une célébration rythmée et haute en couleur, avec les chants et les danses de la chorale Gospel du Bas-Rhin ou l'animation liturgique du chœur interparoissial.
Un « amoureux des gens »
Une belle célébration solennelle avec une dizaine
d'officiants, un nouveau prêtre tout sourire, maniant l'humour et un
franc-parler : il y avait de quoi étonner, puis ravir, ses nouveaux paroissiens.
Une impression renforcée par les propos élogieux d'une
responsable paroissiale de Souffelweyersheim : « Albert est un homme formidable,
amoureux des gens. C'est un sourire et un rire qui génèrent d'autres sourires...
C'est un rassembleur. Nous aurions aimé le garder mais il doit continuer à
divulguer sa générosité ; d'autres doivent avoir la chance de le découvrir ! »
Après la lecture de la nomination officielle du prêtre,
Albert Nouati a pris la parole en lançant un « Bonjour bisamma ». Le ton était
donné, les bons mots du prêtre ont déclenché sourires et rires dans
l'assistance, résolument conquise. Ainsi, maniant un brin d'auto dérision,
Albert Nouati a déclaré : « Vous devez vous demander ce que ce petit Negerla
(petit africain) va pouvoir apporter ».
« Albert Nouati est entre de bonnes mains ! »
Dans la foulée et, bien plus sérieux, il a rendu hommage à
son prédécesseur, Hubert Spitz, qui a fait un excellent travail dans la
communauté. Il a exhorté ses paroissiens : « Soyons tels que personne ne puisse
affirmer que Dieu n'existe pas ! ». La suite de la célébration a été ponctuée
par d'autres temps forts comme un fervent Ave Maria ou ce panier de fruits
apporté à l'offertoire, en musique et sur la tête d'une danseuse, dans la pure
tradition africaine. Une chorale d'enfants a également fait un cadeau à Albert
Nouati avec l'interprétation d'un chant africain, accompagné par les battements
de mains des paroissiens.
Et puis ce fut le temps des discours d'accueil des
responsables d'équipe paroissiale, du conseil de fabrique et du maire Serge
Nicole au nom des municipalités de la communauté. Le maire de Wintzenheim a
déclaré aux anciens paroissiens « soyez rassurés, Albert Nouati est entre de
bonnes mains ! », avant d'inviter l'assistance pour le pot de l'amitié dans la
cour de l'école.
Source : Jean-Louis Meyer, les DNA du mardi 27 septembre 2016
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