(photo aérienne du cimetière de Wintzenheim, Guy Frank, 14 avril 2001)
Celui qui passe très près d'un cimetière après l'angélus du soir (Betglock) peut entendre les morts parler... La fête de la Toussaint remonte au VIIe siècle de notre ère, lorsque en l'an 610, le pape Boniface IV fit transférer les reliques des martyrs au Panthéon romain qui devint un sanctuaire chrétien. En 830, Grégoire IV étendit la fête en la mémoire de tous les saints (y compris ceux qui ne figurent pas sur le calendrier).
Il a été introduit au XIe siècle (entre 998 et 1048) par le prieur de l'abbaye de Cluny (abbé Odilon) qui décida que le 1er novembre, après les Vêpres, on sonnerait la cloche des morts et que la messe du lendemain devrait être consacrée au repos de toutes les âmes.
Sources :
- Fêtes et Coutumes d'Alsace au fil de la vie (Freddy Sarg, Editions G4J, 2002)
- Les couleurs de l'immortalité, DNA du vendredi 31 octobre 2003
L'ancienne porte en bois (datant de ???) (photo Guy Frank, 1998) |
La Croix a été installée à la Chapelle des Bois et bénie le 26 octobre 2008 (photo Guy Frank, 2004) |
C'est Robert Guthmann qui a réalisé (photo Mairie, 2005) |
Au VIIè siècle, chez les chrétiens, la Toussaint était célébrée le 13 mai. Et ce n'est qu'en 835 qu'elle fut transférée au 1er novembre, pour "christianiser" la fête païenne Samaïn celte, qui marquait chez les Gaulois la fin de l'été et le début de la saison sombre, avec le passage vers la nouvelle année. Chez les Celtes, cette nuit du 31 octobre au 1er novembre était aussi une transition entre le monde des vivants et le monde des morts. Pour être certains d'effrayer les esprits, les Gaulois étaient grimés et portaient des costumes effrayants. Cette fête est un peu l'ancêtre d'Halloween, dont le nom provient de la contraction du terme anglais « all hallow even » (veille de la toussaint).
En France, la Toussaint est l'une des quatre fêtes chômées depuis le Concordat signé le 15 juillet 1801 entre Pie VII et Bonaparte (Noël, Ascension, Assomption, Toussaint).
La Toussaint à Wintzenheim (photo Guy Frank, novembre 2002) |
La Toussaint en AlsaceLa Toussaint se caractérise en Alsace par la visite familiale au cimetière et le recueillement sur les sépultures parées de chrysanthèmes à l'issue de la messe ou du repas familial. Plus qu'ailleurs, la tenue des tombes est empreinte de rigueur et de sophistication. Dans la vallée de la Bruche, autrefois, toute la paroisse se rendait en procession au cimetière après les vêpres des morts. Le glas tintait jusqu'à huit heures du soir, pour rappeler à tous le souvenir des morts. Au retour, on mangeait dans les auberges ou en famille des noix et des noisettes qui passaient pour éloigner les mauvais esprits. A la tombée de la nuit, les jeunes gens plaçaient au cimetière et en des endroits passants du village des betteraves vidées et découpées pour leur donner l'aspect d'un crâne humain, à l'intérieur duquel ils plaçaient une bougie ou une petite lampe à huile. Source : L'Almanach de l'Alsace, Bernard Vogler, Larousse 2001 |
Le Jour des Trépassés (2 novembre)Le jour des trépassés (Allerseelen), ignoré par les protestants, a tenu
très longtemps une grande place en milieu catholique. Source : L'Almanach de l'Alsace, Bernard Vogler, Larousse 2001 |
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(cimetière de Wintzenheim, photo Guy Frank, novembre 2002)
Am Allerheilige isch d'r Altwiiwersummer, àwwer er
währt nur e pààr Stund, wenn's vil isch e pààr Täj
A la Toussaint c'est l'été des vieilles, mais il ne dure que quelques
heures, quelques jours au plus
Allerheilige klar un hell, sitzt d'r Winter uf d'r Schwell
A la Toussaint si le ciel est clair, sur le seuil est assis l'hiver
Wenn's àn Allerheilige schnaït, so leg dein Pelz beraït
A la Toussaint froidure, apprête ta fourrure
Allerheilige Sunneschien, bringt den Nochsummer in
Avec la Toussaint, l'été tardif vient
Isch Allerheilige sommerlich, werd Martini winterlich
Si la Toussaint est estivale, la Saint-Martin sera hivernale
Allerheilige ficht, wird d'r Schnee nit licht
La Toussaint humide, la neige sera lourde
Allerseela-Daa will drei Tropfe Rage ha
Le Jour des Trépassés veut trois gouttes de pluie
Sources :
- L'Almanach de l'Alsace, Bernard Vogler, Larousse 2001
- Proverbes et dictons d'Alsace, Raymond Matzen, Rivages 1987
- Proverbes d'Alsace, recueillis et traduits par H.J. Troxler, Editions du Bastberg, 1977
A l'époque de l'année où les fleurs se font rares, le chrysanthème s'impose naturellement. Il fut introduit en France en 1789, rapporté d'Extrême-Orient. La raison de son succès tient au fait de sa floraison qui n'intervient jamais avant l'équinoxe du 21 septembre. Le chrysanthème fleurit uniquement lorsque les jours sont plus courts que les nuits. Au Japon comme en Chine, il est associé aux notions de plénitude et d'immortalité ; ses pétales rayonnants représentent le symbole solaire de la maison impériale japonaise.
L'étymologie du mot "chrysanthème" vient de "khrusos" or et "anthos" fleur. Les premiers ancêtres des variétés cultivées actuellement étaient jaunes, ensuite vinrent sur le marché les chrysanthèmes violets. On peut remarquer que la liturgie de la Toussaint met en exergue le jaune, présent avec les garnitures dorées pour les ornements du 1er novembre, le violet trouvant sa couleur de deuil le 2 novembre.
Source : Les couleurs de l'immortalité, DNA du vendredi 31 octobre 2003
So ist's recht, Hier liegt der Herr neben dem Knecht. |
Ainsi c'est bien, Ici le seigneur est couché à côté du valet |
Kaysersberg |
Veux-tu honorer père et mère, Alors tiens propre leur tombe ; Tu peux bien perdre une heure Mais pas à la Toussaint seulement. |
Willst du Vater und Mutter ehren So halte ihr Grab auch stets rein ; Kannst dafür eine Stunde entbehren Nicht nur an Allerheiligen allein. |
Cimetière de Balschwiller |
Noch Ritterkreuz, noch Helm, noch Stab, Hat mich errett' vom Toden Grab ; Bedenke o Leser, bitt für mich, Was mir heut geschehen, trifft morgen dich. |
Ni croix de chevalier, ni casque, ni sceptre, Ne m'ont sauvé de la mort et de la tombe ; Réfléchis, ô lecteur, et prie pour moi, Ce qui m'arrive aujourd'hui, peut t'arriver demain. |
Pierre tombale de Melchior von Birkenwald, 1713 |
Quand, au printemps, les enfants jouent sur les tombes, Ils ignorent ce qu'est la séparation et la mort. Heureux, ils chantent et rient de bon cœur, Ils mangent leur tartine à côté d'une tombe. |
Wenn Kinder im Frühjohr uf Gräwer spiele, Do wisse se nix vun Scheiden un Tod. Sie singe so glücklich, sie lache so herzlich, Sie essen am Grabstein ihr Z'owebrot. |
Marie Hart "Erinnerungsland" |
Gewiss ist der Dod, ungewiss der Dag, Die Stund auch niemand wissen mag, Drum thue Guts, gedenck darbey Dass jede Stund die letzte sey ! |
Certaine est la mort, incertain le jour, L'heure personne ne la connaît, C'est pourquoi fais le bien, en pensant Que chaque heure peut être la dernière. |
Inscription, Knoeringen, 1803 |
Village paisible ! D'après nos traditions Tu conserves ta chapelle Au milieu de la terre silencieuse Où reposent les morts. |
Friedlich Dorf ! Nach alter Sitte Hast du noch dein Kirchlein stehn, In des stillen Hofes Mitte Wo zur Ruh' die Toten gehn. |
Auguste Stoeber |
Was ihr seid Sind wir gewesen, Was wir sind Werdet ihr werden. |
Ce que vous êtes, Nous l'étions, Ce que nous sommes, Vous le deviendrez. |
Sentence inscrite devant l'ossuaire de la chapelle Saint-Sébastien de Dambach-la-Ville |
Source : Dictionnaire des citations pour l'Alsace, recueillies par H.J. Troxler, Editions du Bastberg 1987
Croix du cimetière de Wintzenheim (illustration Guy Frank, octobre 2003, d'après une photo du 03.11.2002). Cette croix porte l'inscription "Andenken an die Mission 5 bis 14 Nov. 1897"
S'Läwe hangt nur am a Fade
La vie ne tient qu'à un fil
Es sterbt keiner vor siner Zit
Nul ne meurt avant son temps
M'r kann s'Läwe verkürzere, awer nit verlängere
On peut abréger la vie, mais pas la prolonger
Wenn me hirotet, müess me vum Tod rede
Quand on se marie, il faut parler de la mort
D'alti Lit mien sterwe, d'jungi Lit könne sterwe
Les vieux doivent mourir, les jeunes peuvent mourir
Jeder Mensch stirbt wenn er alt g'nüe isch
Chaque homme meurt quand il est assez âgé
Sterwe isch oj e Kunscht
Mourir est aussi un art
In eim sin Tod isch im ander sin Brot
La mort de l'un est le pain de l'autre
Fromm geläbt un seeli g'storwe, isch meh as viel Geld un Güet erworwe
Une vie pieuse et une mort sainte vaut mieux qu'avoir entassé richesse
Gege de Tod isch noch ken Krüt g'wachse
Jamais herbe n'a poussée qui de la mort peut nous préserver
Von de Tote soll me nur güetes rede
Des morts, il ne faut dire que du bien
D'r Tod müess e Ussred han
La mort doit avoir un prétexte
D'r Tod isch umsonscht, awer er koscht s'Läwe
La mort est gratuite, mais elle coûte la vie
E güet Läwe bringt e güet End
Une bonne vie a une bonne fin
M'r nimmt nix mit, s'Totehemd het ken Säckel
On n'emporte rien, la chemise du mort n'a pas de poche
M'r soll batte wie wenn me jedi Stund sott sterwe, un schaffe un hüse, wie wenn me ewig sott lewe
On doit prier comme si l'on devait mourir à chaque heure, et travailler et économiser comme si l'on devait vivre éternellement
Source : Elsässische Sprichwörter - Proverbes d'Alsace, recueillis et traduits par H.J. Troxler, Editions du Bastberg, 1977
(cimetière de Wintzenheim, photo Guy Frank, 3 novembre 2002)
Les morts ont de la chance : ils ne voient leur famille qu'une fois par an, à la Toussaint (Pierre Doris)
Un cimetière un jour de Toussaint ressemble à une exposition un jour de vernissage (Tristan Maya)
La Toussaint est le jour où les morts de demain vont rendre visite à ceux d'hier (Henri Duvernois)
Source : www.evene.fr
Gérard Leser, historien folkloriste, a donné une conférence sur les croyances et coutumes autour de la mort dans la société traditionnelle alsacienne.
“ Quelles sont les caractéristiques des rites associés à la mort dans la société traditionnelle ? ”
Le premier élément qui distingue la vision traditionnelle (jusque dans les années 1950-60) de celle d'aujourd'hui est que la mort était présente tout au long de la vie. À l'époque, une bonne mort est une mort bien préparée, tandis qu'aujourd'hui, ce serait plutôt une mort instantanée et sans douleur.
“ Comment préparait-on sa mort ? ”
L'Église était très présente dans la société, elle permettait de donner un sens à l'événement. Il existait tout un ensemble d'intersignes («Vorzeicha » en alsacien) annonciateurs d'un décès. Par exemple, un crucifix qui tombe sans raison, une pendule qui s'arrête, un verre ou un miroir qui se brise, une chouette qui pleure («komm mit, komm mit », « viens, viens »), un vol de mésanges qui s'abat sur la fenêtre, etc. Des croyances bizarres et étranges interprétaient deux éléments qui n'avaient aucune relation entre eux.
“ Que se passait-il dans les esprits lorsque quelqu'un mourrait ? ”
Autrefois « on mourrait dans son lit ». Au moment du décès, il fallait respecter un certain nombre de règles : fermer les yeux et la bouche pour que le mort n'entraîne pas avec lui une autre personne, voiler les miroirs, arrêter les pendules. Dans la vallée de Munster, on posait une cruche dans la chambre et on ouvrait la fenêtre, pour que l'âme puisse se baigner et s'envoler. Une des grandes peurs était que le mort reste attaché à la maison pour tourmenter les vivants. Il fallait à tout prix annoncer le décès à toute la maisonnée et au voisinage («d'r meister isch tot », « le maître est mort ») y compris au bétail, aux abeilles et aux tonneaux de vin, pour qu'il ne tourne pas. La mort devait être connue le plus tôt possible afin que cette impureté et ce désordre fondamentaux soient jugulés rapidement et que la mort ne poursuive pas son travail. Le repas mortuaire était constitué de pain, de gruyère et de schnaps. Après le repas d'enterrement, qui servait à réaffirmer les liens sociaux et familiaux, on changeait d'ailleurs tous les objets de place, pour que le mort ne reconnaisse pas sa maison s'il tentait à y revenir.
“ Quelles cérémonies précédaient la mise en terre ? ”
La famille et les proches préparaient le défunt. Ce rôle était souvent dévolu à une vieille femme, ce qui souligne les relations très mystérieuses de la femme à la vie et à la mort. Les gens conservaient leur costume de mariage pour qu'on les en habille lors de leur enterrement, avec en sus des bas mortuaires au maillage spécial. Le corps devait être veillé pendant trois jours dans le cercueil (délai pour quitter le corps définitivement). Dans le cercueil, on glissait très souvent une lettre de baptême («Goettelbriaf »), pièce de monnaie habillée d'un joli papier décoré où l'on trouvait consignés tous les souhaits de la marraine pour l'enfant.
“ Quelques autres thèmes... ”
L'origine du Jour des trépassés, le 2 novembre, la naissance du concept de purgatoire vers 1254, lieu intermédiaire entre le paradis et l'enfer, les péchés capitaux, les hommes de feu, les dames blanches, très nombreuses en Alsace, qui sont condamnées à errer dans leurs châteaux, sont des thèmes très importants en Alsace.
Source : L'Alsace du mardi 25 et les DNA du jeudi 27 octobre 2005
Recherche anciennes représentations
de la Toussaint (cartes postales ou images pieuses),
ainsi que des photos, textes et anecdotes concernant la tradition de la
Toussaint à Wintzenheim.
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